Géochronologie : datation relative et datation absolue : le temps et les roches
Introduction :
Vous avez pu voir en classe de première, et plus particulièrement en enseignement scientifique, la controverse au sujet de l’âge de la Terre. Mais au-delà de son âge, comment pouvons-nous retracer son histoire ? En fait, pouvoir dater le passé de notre planète, c’est commencer à retracer son histoire et essayer d’établir une chronologie des événements s’étant produits dans le passé, tant à l’échelle locale que régionale ou même mondiale. Les événements géologiques ont souvent des effets sur le vivant et sur son évolution. C’est pourquoi certaines espèces constituent aussi des marqueurs du passé, à condition d’en trouver des traces fossiles dans les roches. Ainsi, comprendre l’histoire de notre Terre, c’est avoir en partie une lecture de l’évolution du vivant.
Enfin, comprendre le temps qui s’écoule en géologie, c’est comprendre qu’il faut estimer un âge, une durée, une vitesse des événements. Par exemple, une explosion volcanique peut être brutale et être datée, elle peut durer en se répétant sur des milliers d’années, et avoir des conséquences durables au niveau mondial et finalement laisser des traces sur des millions d’années.
S’intéresser au cours le temps et les roches est un exercice passionnant car cela permet de retracer l’histoire de la Terre en interaction avec le vivant. Mais c’est aussi un exercice difficile qui nécessite une bonne maîtrise de tous les outils à disposition du géologue.
Problèmes : Comment dater les différents événements en géologie? Quelles sont les outils à notre disposition pour évaluer le temps ? Comment appliquer la bonne méthode en fonction de l’objet d’étude ?
Préambule : pourquoi utiliser la chronologie relative et/ou absolue.
En fait ces 2 méthodes sont complémentaires car elles approchent la notion du temps de façon différente :
- La datation relative a pour but de définir l’ordre des événements géologiques. Elle est relative, car on ne se préoccupe pas de leur datation. Parmi 3 événements, lequel a été le 1er, puis le 2e et enfin le dernier ?
- La datation absolue permet de définir un âge auquel un événement a eu lieu ou sa durée. Cet âge se compte en milliers, millions ou millards d’années selon le géochronomètre utilisé. Quant aux méthodes, elles peuvent être également variées comme compter l’alternance des dépôts marins ou le nombre de stries de croissance d’un organisme fossile. Toutefois la plus utilisée reste la radiochronologie car elle permet la détermination de l’âge d’une roche. Malgré tout, la valeur n’est généralement pas exacte, puisqu’il y a toujours une marge d’erreur. On essaye alors d’avoir la meilleure technique pour déterminer un âge, c’est à dire la méthode avec la moins grande marge d’erreurs.La datation « absolue » ne signifie donc pas précise, mais s’oppose à relative.
I- Chronologie relative
Définition
Datation relative = Elle correspond à l’ensemble des techniques permettant d’ordonner des événements géologiques dans le temps sans en donner l’âge, ni la durée.
La chronologie relative s’applique à différentes échelles (régionale, locale, macroscopique ou microscopique).
Doc.1 : illustration de la datation relative
A- Méthodes et principes
1- Méthode
Elle s’appuie sur une démarche partant de l’observation des formations de terrain (Massifs, affleurements, roches…), en s’aidant des ensembles régionaux à l’aide de cartes géologiques, mais aussi d’échantillons ou de lames minces, pour en déduire une succession d’événements logiques, grâce à une démarche scientifique rigoureuse.
2- Principes
Principe de superposition :
Les roches sédimentaires se forment dans l’eau. Les particules se déposent par gravité formant alors une pluie sédimentaire se déposant dans le fond et constituant une boue sédimentaire. Cette boue se solidifie donnant une roche, on parle alors de diagenèse. Et comme les dépôts se sont faits par gravité, les roches forment des strates horizontales. Elles sont donc les unes sur les autres en respectant leur ordre de dépôt, la plus récente étant au dessus, celle du dessous plus ancienne, et celle encore en dessous étant encore plus ancienne. Ceci n’est valable que si les strates n’ont pas subi de plissements trop importants. En effet, dans le cas de plis couchés, il est important de déterminer quelle est la couche la plus récente et quelle est la couche la plus ancienne.
Doc.2 : Principe de superposition des strates
Le fait de pouvoir reconstituer une chronologie de strates sédimentaires est lié au principe de superposition des strates entre elles.
Principe de continuité :
Quand une strate se forme elle a le même âge sur toute sa longueur même si la roche change. C’est le principe de continuité.
Doc.3 : Principe de continuité des strates
La couche (a) s’est déposé tout du long. La couche (b) est venue par dessus mais pour diverses raisons (émergence et érosion par exemple) n’a pas recouvert toute la couche (a). Puis les couches (d) et (c) se sont formées en même temps, même si la profondeur et l’éloignement à la côte font que les roches formées sont différentes. Pourtant, il s’agit bien d’une strate continue, c’est à dire de même âge tout du long.
Principe de recoupement :
Lorsqu’un événement géologique affecte une structure préexistante, en la coupant ou en la transformant, cet événement ne peut être que postérieur à la mise en place de la structure géologique préexistante. A contrario, si cet événement est antérieur à la structure géologique, alors il ne la recoupe pas ou ne la modifie pas. C’est ce qu’on appelle le principe de recoupement.
Doc.4 : Exemple de principe de recoupement
Interprétation du doc 4 :
Il existe différentes strates (1 à 4) : 1 étant la plus vieille et 4 la plus jeune (principe de superposition)
Les strates 1 et 2 sont affectées par une faille. La faille est donc postérieure au dépôt des strates 1 et 2. Mais les strates 3 et 4 ne sont pas affectées par cette faille, elles sont donc postérieures à la faille. Par contre le basalte qui s’est mis en place recoupe toutes les strates. Il est donc postérieur à l’ensemble des strates et de la faille. (Principe de recoupement)
Quelles sont les différentes applications au principe de recoupement ?
- Les failles : Elles sont liées a des mouvements tectoniques brusques sur des structures géologiques cassantes. Elles sont par conséquent plus récentes que les structures qu’elles traversent. Dans le doc 4, les strates 1 et 2 sont antérieures à la faille.
- Les émissions volcaniques : elles peuvent être tout aussi brusques et liées aux activités volcaniques diverses comme le volcanisme de rifting, le volcanisme intraplaque de point chaud ou le volcanisme de subduction. Le volume des roches émises est variable car il dépend de l’activité elle même (intensité, durée…). Ces roches volcaniques viennent recouvrir des structures géologiques antérieures. Il faut ajouter que le conduit magmatique traverse des structures déjà en place, et donc toute structure recoupée est forcément antérieure. Dans le doc. 4 l’émission volcanique est la structure la plus récente.
- Les plis : ils sont plus récents que les strates qu’ils affectent. Si des structures ne sont pas plissées alors qu’un pli existe, c’est qu’elles sont plus récentes que ce dernier.
- Les épisodes d’émergence et d’érosion : Ces interruptions sont repérables si une nouvelle immersion a lieu après une séquence d’émergence et érosion et permet un nouveau dépôt sédimentaire. La discontinuité de couche qu’on observe est alors appelée discordance.Dans le doc. 4 il y a eu certainement une discordance entre la strate faillée 2 et la strate 3.
Doc.5 : Exemples de discordance
- Les épisodes de métamorphisme : Le métamorphisme est la modification minéralogique de roches préexistantes en liaison à des contraintes de températures et/ou de pression ou de circulations hydrothermales. Les causes du métamorphisme continental sont le plus souvent liées aux contraintes tectoniques ou magmatiques. Le métamorphisme affecte généralement les roches contraintes aux mêmes conditions. Il est plus récent que les roches qu’il affecte. Mais attention au métamorphisme de contact qui n’affecte que les roches soumises à une température suffisante pour modifier leurs minéraux, car au-delà d’un certain rayon (et donc en deçà d’une certaine température), les roches ne sont plus affectées.
Doc.6 : Exemple du métamorphisme de contact
Principe d’inclusion :
Des roches ou fragments de roches ayant été emballés dans une matrice magmatique ou sédimentaire sont plus anciens que cette dernière.
Doc.7 : Immense conglomérat à Natales au Chili montrant d’énormes galets inclus dans la roche
Les galets sont forcément plus anciens que la formation qui les englobe.
B- Exemple d’application
A l’aide du document ci-dessous, dater relativement : le granite, les formations sédimentaires, les failles F1 et F2 et les coulées de basalte.
Corrigé vu en cours
Doc.8 : coupe géologique détaillée du rebord ouest de la Limagne
II- L’identification stratigraphique
Quand on étudie des événements géologiques, on peut raisonner par la logique afin de déterminer l’ordre dans lequel ces derniers se sont mis en place. Mais si on veut avoir des repères dans l’espace et dans le temps et estimer un âge, c’est souvent difficile. Il faut donc avoir des marqueurs universels fiables qui donnent des estimations temporelles fiables. C’est en partie le rôle de l’identification stratigraphique, qui s’appuie très largement sur fossiles marqueurs.
A- Définitions et principes
Définition
Paléontologie : Science qui étudie les êtres et organismes vivants ayant existé au cours des temps géologiques, basée sur l’observation des fossiles.
Stratigraphie : Étude de la succession chronologique et de la répartition géographique des formations sédimentaires ou d’origine sédimentaire, généralement stratifiées.
Fossile stratigraphique : Fossile caractéristique, représentant un marqueur géologique, présent en abondance dans une couche géologique, ayant vécu pendant une période définie et courte ce qui permet de donner un intervalle de temps à une couche géologique.
Principe d’identité paléontologique :
Quand on analyse deux strates, et qu’elles ont la même association de fossiles stratigraphiques, alors elles sont considérées du même âge géologique. On dit qu’elles ont la même identité géologique.
Doc.9 : identité paléontologique
Un « bon » fossile stratigraphique, est un fossile issu d’une espèce dont :
- l’apparition et la disparition marquent une période courte précise (les fossiles stratigraphiques sont choisis dans les groupes ayant eu une évolution biologique rapide).
- la répartition géographique est vaste (voire mondiale).
- les individus ont été nombreux.
Doc. 10 : Deux très bons fossiles stratigraphiques : le trilobite et l’amonite
Il existe différentes formes de ces embranchements avec des variations dans les formes montrant différentes espèces, parfois en abondance et sur des périodes variables.
Principe d’actualisme :
Principe postulant que les lois régissant les phénomènes géologiques actuels étaient également valables dans le passé. La paléoécologie (paléo = ancien) se base fréquemment sur l’écologie des espèces actuelles pour reconstituer un paléoenvironnement. Par exemple, la découverte de Foraminifères planctoniques ou de Radiolaires dans une strate conduira à émettre l’hypothèse que les sédiments qui les contiennent se sont déposés en milieu marin. On applique ce principe aux fossiles stratigraphiques.
B- De la biostratigraphie à l’échelle stratigraphique
1- Méthode
Définitions :
Biostratigraphie : Science permettant de donner la répartition des fossiles, leur abondance et leur succession dans les strates sédimentaires et permettant de les situer temporellement.
Biozone : unité d’un ensemble de couches géologiques, déterminé par les fossiles qu’elle contient
A partir de relevés de fossiles, on repère les apparitions et disparitions d’espèces, ce qui nous permet alors d’établir une succession stratigraphique des espèces. En effet la biodiversité est en perpétuel renouvellement. Une espèce peut apparaître, se développer, et coloniser la planète. Puis elle pourra laisser sa place soit par évolution soit par extinction. Les biozones se définissent à partir de cette succession. C’est l’unité de base de l’échelle stratigraphique, et elle se fonde sur une distribution des espèces dans les strates sédimentaires (horizontalement = principe de continuité et verticalement) .
Doc.11 : Différents types de biozone
2- Echelle stratigraphique
Grâce au recoupement des biozones et à l’étude de l’ordre des dépôts sédimentaires dans le temps on a pu établir une échelle stratigraphique. En effet, un ensemble de strates ayant des caractères communs se regroupent en couche géologique… et plusieurs couches géologiques s’associent pour donner une formation géologique, qui est l’unité de base régionale.
Une formation se définit donc par son « faciès » qui constitue l’ensemble des caractères lithologiques et paléontologiques du dépôt sédimentaire. L’analyse du faciès permet de définir les conditions du milieu dans lesquelles se sont formées ces roches.
Enfin, l’ensemble des strates comprises entre deux coupures constitue l’élément de base de l’échelle stratigraphique, et est appelé étage. Une commission internationale définit un stratotype d’étage c’est à dire un affleurement montrant les caractéristiques (lithologiques et fossilifères) de l’étage et surtout présentant les limites inférieures et supérieures de cet étage.
Les étages peuvent se regrouper en époque, les époques en périodes et les périodes en ères. Enfin les ères sont réunies en Eon. A noter que le Phanérozoique signifie « vie visible », il est donc logique que les étages soient bien caractérisés à partir de cette période (-541 MA), et que les Eons antérieurs ne possèdent que très peu d’étages (alors que la période est pourtant plus grande).
Doc.12 : Echelle stratigraphique internationale
III- Chronologie absolue
Définition
Datation absolue = Discipline scientifique qui se fonde sur des techniques de datation à partir d’isotopes radioactifs permettant de donner une estimation de l’âge ou de la durée d’un événement.
La chronologie absolue peut utiliser différentes méthodes mais la principale reste celle de l’utilisation d’isotopes radioactifs, étudiée en terminale. Elle s’applique à différentes échelles de temps (milliers, millions ou même millards d’années – GA).
A- Méthodes et principe (le temps et les roches)
Comme vous avez pu le voir en 1ère enseignement scientifique dans la controverse de l’âge de la Terre et sa datation par Clair Patterson, la chronologie absolue se base sur la désintégration d’éléments radioactifs au cours du temps, c’est-à-dire qui se transforment en d’autres éléments avec émission de rayonnements.
La datation d’échantillons s’effectue grâce à des méthodes de radiochronologie se basant sur les principes de la désintégration radioactive d’isotopes contenus dans les roches ou les minéraux. On dispose donc de véritables géochronomètres qui obéissent à une loi de décroissance exponentielle en fonction du temps. La demi-vie est caractéristique de l’élément radioactif. Grâce aux lois de désintégration atomique, il est possible de modéliser l’évolution des quantités d’un isotope radioactifs père en isotope radiogénique fils. On peut ainsi déterminer sa demi-vie T à laquelle la moitié de la quantité d’un isotope père se sera désintégrée en élément fils (autre moitié).
Définitions
Demi vie : Temps au bout duquel une concentration atteint la moitié de sa valeur initiale.
Radiogénique : qualifie un isotope stable formé à partir d’un élément radioactif
Doc.13 : Transformation de l’élément père en élément fils en fonction du temps.
Les datations s’effectuent sur des roches magmatiques ou métamorphiques soit en utilisant des échantillons issus de la totalité de la roche, ou même en utilisant l’ensemble des minéraux de la roche.
Si on ne s’intéresse qu’à l’élément père, la loi de désintégration a une fonction qui dépend du temps et d’une constante de désintégration (λ) elle même propre à chaque isotope. La fonction de désintégration est une fonction exponentielle qui est la suivante :
Pt = Po.e–λt
Avec :
t = temps écoulé (années)
λ = constante de désintégration (an-1)
Po = Nombre initial d’éléments pères radioactifs au temps to
Pt = Nombre d’éléments pères radioactifs au moment de la mesure
B- Bien choisir son géochronomètre
Le calcul de l’âge dépend des matériaux étudiés et des taux d’éléments père et fils à l’origine. Mais cela dépend aussi des isotopes choisis qui n’auront pas la même durée de vie et donc pas la même demi-vie.
Bien choisir son isotope, c’est choisir le géochronomètre le plus adapté, c’est à dire celui qui offrira la meilleure définition de l’âge de la roche (ou de l‘événement géologique étudié), en fonction de sa composition d’origine.
Il existe différents géochronomètres qui se distinguent par leur constante de désintégration et leur demi vie. Parmi les couples isotope radioactif/isotope radiogénique les plus couramment utilisés en géologie, on a le couple Rubidium/Strontium (Rb/Sr), le couple Potassium/Argon (K/Ar) et le couple Uranium/Plomb (U/pb) qui s’étudient en terminale et pour lesquels il faut argumenter leur choix dans la datation de certaines roches.
Doc.14 : Isotopes étudiés en terminale
Eléménts pères radioactifs | Radioactivité | Fils radiogénique | Demi-vie en GA | λ (an-1) | Minéraux pouvant contenir l’élément père (Liste non exhaustive) | Âges mesurés (en général) en Millions d’années |
Rubidium (87Rb) | ß- | Strontium (87Sr) | 48,8 | 1,42.10-11 | Biotite, orthose | > 100 |
Potassium (40K) | ß+ | Argon (40Ar) | 11,9 | 5,81.10-11 | Biotite, orthose… | Entre 1 et 300 |
Uranium (238U) | α | Plomb (206Pb) | 4,47 | 1,55125.10-10 | zircons ou monazites | > 25 |
L’argumentation du choix se fera en fonction des minéraux présents et de l’hypothèse de l’âge de la roche (et donc de sa demi vie). La chronologie relative peut précéder la chronologie absolue et peut aider au choix du géochronomètre.
1- Méthode Rb/Sr
Cette méthode s’utilise pour dater des granites par exemple…
Complément : Bien comprendre l’utilisation des isotopes en tant que géochronomètres
Isotope radioactif / isotope stable
Le rubidium (Rb) et le strontium (Sr) sont deux éléments chimiques existant le plus souvent à l’état de traces dans les roches. Ils se substituent en partie au potassium pour le rubidium et au calcium pour le strontium. Ainsi les minéraux riches en potassium sont généralement riches en rubidium et ceux riches en calcium présentent souvent des teneurs élevées en strontium.
Ces deux éléments existent dans la nature sous la forme de plusieurs isotopes, deux pour le rubidium, 85Rb et 87Rb et quatre pour le strontium, 84Sr, 86Sr , 87Sr et 88Sr . Seul l’un d’entre eux, le 87Rb, est radioactif. Il se désintègre en 87Sr qui, lui, est un isotope stable du strontium comme le sont, d’ailleurs, les trois autres. Cette désintégration, un pour un, aboutit à l’émission d’un électron ; c’est donc une radioactivité dite « β- » que l’on peut schématiser par :
À la fin de la cristallisation d’une roche magmatique, chaque minéral la constituant a intégré des quantités initiales différentes des quatre isotopes du strontium et des deux du rubidium.
Le strontium 87 présent aujourd’hui dans une roche est donc la somme du strontium 87 présent à l’origine, à la formation de la roche et du strontium 87 produit par la désintégration du rubidium 87.
Comment aboutir à l’équation qui nous permet de trouver l’âge ?
87Sr actuel = 87Sr initial + 87Sr formé <=> 87Sr actuel = 87Sr initial + 87Rbdisparu
Or 87Rbdisparu = 87Rbinitial – 87Rbactuel
Et 87Rbactuel = 87Rbinitiale-λt <=> 87Rbinitial = 87Rbactueleλt
Donc 87Sr actuel = 87Sr initial + (87Rbinitial – 87Rbactuel)
87Sr actuel = 87Sr initial + (87Rbactueleλt– 87Rbactuel)
87Sr actuel = 87Sr initial + 87Rbactuel (eλt– 1)
Le problème est que nous sommes en face de deux inconnues : 87Srinitial et t ; or, nous n’avons qu’une équation…
Ce problème se résoudra en prenant en compte le rapport isotopique 87Srinitial / 86Srinitial qui est constant dans tous les minéraux d’une même roche (il n’y a pas de ségrégation des isotopes lourds), ainsi la quantité d’isotope 86Sr (isotope stable) ne varie pas au cours du temps, et on peut alors construire une droite qu’on appellera une isochrone.
Un certain nombre de conditions doivent être réunies pour que la méthode Rb-Sr soit applicable, notamment :
- l’ensemble des roches ou des minéraux analysés doit avoir cristallisé à partir d’une source commune de strontium, c’est-à-dire que les rapports initiaux 87Sr/86Sr sont égaux.
- le système doit être resté clos depuis sa formation, c’est-à-dire qu’il n’a pas perdu ou gagné de rubidium ou de strontium. Ces échanges sont possibles par exemple si la roche est traversée par des fluides, lorsqu’elle est soumise à un épisode métamorphique, ou encore par altération en surface.
Explications :
- Au temps t=0, date à la quelle s’est formé le magma, Tous les minéraux avaient le même rapport isotopique (87Sr/86Sr) mais un un rapport 87Rb/86Sr différent
Doc.15 : Isochrone au temps t0
- Si le système reste clos (fermé), au bout d’un certain temps, chaque minéral verra son rapport isotopique (87Rb / 86Sr) diminuer et son rapport isotopique (87Sr / 86Sr) augmenter ; au fur et à mesure que le temps s’écoule, le 87Rb se désintègre en 87Sr à raison de 1 noyau pour 1 noyau :
Doc.16 : Isochrone au temps t
(87Sr/86Sr) | eλt – 1 | (87Rb/86Sr) | (87Sr/86Sr) initial |
y | a | x | b |
(87Sr/86Sr) = (eλt – 1)(87Rb/86Sr) + (87Sr/86Sr) initial (1) | |||
y = ax + b |
Le résultat final est une droite appelée isochrone, définie par l’alignement de 6 minéraux ou échantillons représentés ici ; son équation correspond à l’équation (1) ci-dessus ; sa pente ou coefficient directeur vaut a = (eλt – 1). La fonction réciproque nous permet de calculer l’âge :
t = [ln (a + 1)] / λ
a = coefficient directeur de la droite
λ = constante de désintégration : 1,42.10-11 an-1
La datation ainsi établie varie de quelques dizaines de millions à quelques milliards d’années.
=> même méthode pour la datation au Samarium / Néodyme (147Sm/143Nd) λ= 6,54 × 10−12 ans-1. Cette méthode permettra de dater les basaltes ou gabbros, donc plutôt de la croûte océanique. En ECE, il n’est pas rare d’avoir ces 2 méthodes.
2- Méthode K/Ar
Le potassium 40K est radioactif et forment de l’argon 40Ar radiogénique. Lorsque la roche est formée, le magma se solidifie. A partir de ce moment, le potassium 40K se transforme en argon 40Ar qui est gazeux. Il est donc possible de quantifier l’argon formé en l’ajoutant à la quantité de potassium mesurée.
Le calcul s’effectue directement grâce à l’équation suivante :
On sait que l’Argon 40Ar est formé à partir du potassium radioactif 40K. Or la composition initiale de potassium est de : 40K0 par rapport à la quantité de potassium à l’instant t : 40Kt donc l’argon au temps t est de :
40Art = 40K0 – 40Kt
Par ailleurs, d’après l’équation de désintégration on a :
40Kt = 40K0 x e-λt
<=> 40K0 = 40Kt x eλt
Alors : 40Art = 40K0 – 40Kt = 40Kt x eλt – 40Kt = 40Kt x (eλt – 1)
Donc t = 1/λ ln (40Art/40Kt + 1)
Le rapport 40Art/40Kt est mesuré ! Donc on calcule facilement l’âge de la roche. L’intérêt de cette méthode est que nous pouvons aisément prélever plusieurs échantillons et faire une moyenne. Il faut juste s’assurer qu’il n’y avait pas d’Argon gazeux à l’origine des temps, lors de la formation de la roche.
La datation ainsi calculée varie de quelques dizaines de milliers à quelques centaines de millions d’années.
3- Méthode U/Pb
a) dans le cas d’un système pauvre en Uranium/plomb
L’élément uranium possèdent deux isotopes radioactifs à longue vie : l’uranium 235 et l’uranium 238. Chaque isotope se désintègre par étapes successives et est à l’origine de familles radioactives dont le dernier isotope stable est un isotope du plomb. Ainsi 235U donne 207Pb et 238U donne 206Pb.
235U ——————-> 207Pb + 7 4He ; T = 0,704 GA (1)
238U —————> 206Pb + 8 4He ; T = 4,47 GA (2)
Quand le système se ferme (il n’y a plus d’échange de matière ou de fluides), et parce qu’à cette origine les quantités d’éléments radioactifs et radiogéniques ne sont pas connus, on peut comme dans la méthode Rb/Sr utiliser l’isotope stable du plomb, non radiogénique (204Pb) qui sera utilisé comme référence ; les équations chronométriques pour chacun des couples sont alors respectivement :
Pour (1) :
Pour (2) :
Ce qui permet de tracer deux isochrones comme dans la méthode du Rb/Sr. L’avantage avec 2 isochrones est de pouvoir comparer l’âge obtenu. Cette méthode n’est valable que si les valeurs ne sont pas enrichies. Cette méthode a été utilisée par Clair Patterson, pour déterminer l’âge de la Terre à partir d’échantillons de sédiments et de météorites. La comparaison permettait de superposer l’âge des sédiments et des météorites et de donner l’âge de la Terre.
b) dans le cas d’un système enrichi en Uranium/plomb
Dans le cas des systèmes uranium – plomb, les systèmes enrichis en 238U et 235U sont représentés dans les roches magmatiques par des minéraux bien repérables. Le plus courant d’entre-eux est un minéral fréquemment présent dans les granites : le zircon (ZrSiO4)
Doc.17 : Zircons contenus dans un granite
On peut obtenir une courbe dite courbe concordia qui correspond aux points dont l’ordonnée et l’abscisse donnent des âges identiques par chacune des méthodes U-Pb. on calcule les rapports y = 206Pb/238U et x = 207Pb/235U. Tout minéral situé sur la concordia donne l’âge de cristallisation du minéral, du magma. Cet âge est donc déterminé graphiquement.
Doc.18 : Courbe concordia U/Pb
Si le système n’a pas été perturbé, les valeurs des rapports isotopiques d’un échantillon sont situées en un point donné sur la courbe, qui correspond à la durée écoulée depuis que le système est clos.
Toutefois, les mesures des rapports 238U/206Pb et 235U /207Pb dans les zircons peuvent ne pas être regroupées en un point sur la Concordia et au contraire s’aligner sur une droite, qu’on appelle « Discordia ». Celle-ci recoupe la Concordia en deux points, nommés intercepts. L’intercept supérieur est donné par les zircons non perturbés. Il indique la durée écoulée depuis la première fermeture du système, correspondant à l’âge de cristallisation de la roche initiale. L’intercept inférieur est donné par les zircons qui se sont réouverts à cause d’un événement géologique (du métamorphisme par exemple). Cet intercept indique donc donc l’âge de la perturbation.
Doc.19 : Courbe concordia et discordia U/Pb
D’après Tristan Ferroir
=> même méthode pour la datation au carbone 14 (14C/12C) avec lecture graphique, mais l’étude porte sur des échantillons issus du vivant et permet de dater de quelques centaines d’années à 50000 ans – λ= 1,21× 10−4 an-1
Conclusion :
Les relations géométriques entre les différentes roches dans un paysage ou un affleurement permettent de reconstituer une chronologie relative des évènements géologiques de différentes natures et à différentes échelles d’observation.
Il existe des fossiles caractéristiques appelés ‘fossiles stratigraphiques‘, ayant évolué rapidement et présentant une grande extension géographique qui peuvent être utilisés pour caractériser des intervalles de temps dans lesquels ils sont représentatifs (biozones), et l’association de fossiles identiques dans des roches de régions géographiquement très éloignées permet de corréler ces roches dans le temps.
Enfin, des coupures dans les temps géologiques s’établissent sur différents critères, aboutissant à l’échelle stratigraphique utilisée aujourd’hui par l’ensemble de la communauté des géologues.
La quantification d’un élément père radioactif, se désintégrant de manière continue et irréversible en élément fils radiogénique, permet de déterminer l’âge des minéraux constitutifs d’une roche ou un ensemble d’échantillons (dont on fera ensuite une moyenne). Cette méthode est appelée la datation absolue car elle s’oppose à la datation relative en essayant de donner une estimation de la date de formation d’une roche ou d’un événement géologique. Pour bien choisir sonradiochronomètre, cela dépend de sa période et de l’élément à dater.
La synthèse de l’ensemble des techniques de chronologie relative et de datation absolue permet de reconstituer l’histoire géologique de localité, de régions, de l’ensemble de la Terre. Cette histoire est en partie visible sur les cartes géologiques.
Doc. 20 : Carte géologique simplifiée du massif armoricain