La diversité phénotypique des individus, ainsi que la diversité spécifique s’explique beaucoup par des différences génétiques. Mais ce n’est pas le seul facteur de variabilité. D’autres mécanismes, non fondé sur l’ADN, interviennent. Des jumeaux possédant le même ADN initial peuvent être différent in fine, pourquoi ?
Cela signifie qu’il existe donc des mécanismes permettant une diversification des êtres vivants, autrement que par une diversification du génome.
Photo de couverture : d’après nytimes.com
Problèmes : Comment expliquer la diversification d’espèces sans modification de l’ADN ? Quels sont les différentes mécanismes permettant ce type de diversification ?
I- Diversification par association d’êtres vivants
La plupart des organismes vivants ne vivent pas seuls mais en association avec d’autres êtres vivants. Par exemple, un organisme pluricellulaire sera associé à d’autres micro-organismes à partir du moment où il atteint une certaine taille (généralement au dessus du millimètre). Cette association est le plus souvent à bénéfice réciproque, mais il existe aussi des associations à bénéfice unilatéral.
Quoiqu’il en soit, ces associations ne sont pas héréditaires génétiquement. Elles s’acquièrent dans l’environnement où l’organisme va croître.
Quels sont les types d’interactions entre les espèces ?
Types d’intéraction | Espèce A | Espèce B | Effets | Exemples |
competition | – | – | Les 2 espèces vivants ensemble et utilisant les mêmes ressources se nuisent l’une à l’autre | 2 tortues : La cistude d’Europe (Emys orbicularis)et la tortue de Floride (Trachemys scripta) |
neutralisme | 0 | 0 | Les espèces se côtoient sans se gêner, elles n’exploitent pas les memes ressources ou les mêmes moments pour se nourrir | La chouette effraie et le chevreuil |
predation | + | – | Le prédateur chasse et tue sa proie pour se nourrir | le renard et le campagnol |
Parasitisme | + | – | Même si l’effet est négatif sur l’espèce parasitée, le plus souvent, un parasite bien adapté ne tue pas son hôte. | L’Homme et le vers solitaire |
Commensalisme | + | 0 | « compagnons de table », l’un se sert de l’autre sans qu’il y est de nuisance directe. | Les plantes épiphytes en forêt équatoriale |
amensalisme | 0 | – | Espèce A sans effet ; Espèce B est affectée | Le piétinement de l’Oyat par les humains entraîne sa disparition |
Symbiose | + | + | Association durable et réciproquement profitable, entre deux espèces | Le ver de Roscoff et son algue tetraselmis convolutae |
Dans les relations qui nous intéressent pour une diversification des espèces avec associations non héréditaires, on s’intéressera particulièrement au parasitisme et à la symbiose;
A- Parasitisme
Définitions :
Parasitisme : C’est une relation biologique durable entre deux êtres vivants où le parasite tire profit d’un organisme hôte pour se nourrir, s’abriter ou se reproduire. Cette relation aura un effet négatif pour l’hôte.
De très nombreuses espèces peuvent être parasitées par des organismes pathogènes qui vivent à leurs dépens. Cette relation, bien qu’unilatérale car bénéfique exclusivement au parasite, n’entraîne que rarement la mort de l’espèce parasitée. Par contre le parasitisme contribue à modifier le phénotype de l’individu. Dans ce cas précis, on voit bien que le changement de phénotype n‘est pas lié à une modification du génome mais uniquement d’une association étroite entre 2 organismes.
1- Cycles évolutifs directs
Le parasite se sert directement d’une seule espèce pour sa nourriture ou sa reproduction.
- un pou qui remplace un organe
Le pou de la langueouCymothoa exigua est un crustacé parasite. A l’âge adulte, il mesure de 3 à 4 cm de long. Il la particularité de se fixer à la base de la langue d’un poisson, le Vivaneau rose, après avoir pénétré dans sa bouche en passant par ses branchies. Il extrait alors du sang de la langue à l’aide des griffes. Plus le parasite croît et moins la quantité de sang qui parvient à la langue du Vivaneau est importante.
Pour finir, celle-ci s’atrophie par manque d’apport sanguin. Le parasite se met alors à remplacer fonctionnellement l’organe manquant en fixant son corps sur les fibres musculaires du moignon restant. Le poisson est alors capable d’utiliser le parasite comme une langue normale. Une fois la langue atrophiée, le parasite ne semble plus causer aucun dommage à son hôte, et bien que quelques spécimens se nourrissent encore du sang du poisson, la majorité des parasites se mettent à se nourrir de son mucus. La nourriture ingérée par le poisson ne semble pas intéresser le parasite. Il s’agit d’un cas unique de parasitisme menant au remplacement complet et fonctionnel d’un organe.
Doc 1 : un pou de langue parasitant un poisson
- Un champignon qui rend zombie une fourmi (image de couverture)
Le cordyceps unilateralis est un champignon infectant les insectes et parasitant en particulier certaines fourmis. Présent en milieu forestier équatorial, notamment au niveau des feuilles en décomposition, ce champignon infecte la fourmi en altérant son comportement. Le démarrage du parasitisme commence en obligeant la fourmi à quitter son nid pour préférer le sol forestier, dont l’humidité et la température sont plus propices à la croissance du champignon. Au bout de 4 à 10 jours, la fourmi change de comportement pour gagner les hauteurs d’un arbre et pour s’attacher à la nervure principale d’une feuille par ses mandibules. La fourmi ne bougera plus jusqu’à sa mort. C’est le stade fructification du champignon qui arrive à son terme, le champignon fini de grandir et les fructifications du champignon sortent de la tête de la fourmi. Le filament pousse hors de la fourmi pour ensuite fructifier et libérer les spores, qui iront contaminer d’autres fourmis en contre-bas. La fourmi a été « zombifiée » par un champignon qui lui a dicté son comportement pour les besoins uniques du champignon. C’est un cas de parasitisme aboutissant à la mort de l’hôte. Mais on observe bien dans ce cas un changement de phénotype par juste l’addition d’un parasite.
Bien d’autres insectes peuvent être aussi victimes d’autres espèces de cordyceps, et tous les insectes parasités vont avoir
Doc 2 : Différentes infections par cordyceps dans le monde des insectes
- Une coccinelle qui se met à materner les larves de son parasite
La guêpe Dinocampus coccinellae est un parasitoïde classique de la coccinelle maculée Coleomegilla maculata.
Définition :
Parasitoïde : Organisme qui, pendant une partie seulement de son existence, vit exclusivement aux dépens d’un autre organisme, qu’il ne détruit généralement que lorsque son propre développement est terminé, mais qu’il rend parfois stérile. (Cette forme de parasitisme se rencontre chez de nombreux insectes guêpes et mouches utilisés en lutte biologique.).
Les guêpes femelles pondent un oeuf dans l’abdomen de leur hôte, la coccinelle, et pendant le développement larvaire (environ une vingtaine de jours), le parasite s’alimente de ses tissus. Ensuite, la larve de la guêpe s’extrait de l’abdomen de la coccinelle, sans la tuer, et commence à tisser un cocon entre ses pattes. La coccinelle, en partie paralysée, se voit alors forcée de jouer le rôle de garde du corps de ce cocon ! Pourtant, le parasite n’est alors plus en contact avec son hфte. Comment dés-lors manipule-t-il son comportement ?
Un troisième acteur intervient : un virus transmis par la guêpe à la coccinelle !
Ce virus est déjа présent dans le système reproducteur de la guêpe, mais s’y multiplie peu. En revanche, quand la guêpe pond un oeuf dans l’abdomen de la coccinelle, le virus, transmis а l’oeuf, se « réveille ». Il se réplique abondamment pendant le développement de la larve et contamine son hôte. La réponse immunitaire antivirale de la coccinelle est alors supprimée, ce qui permet au virus de l’infecter.
Le virus agit sur le système nerveux de l’insecte, entraînant une dégénérescence du tissu nerveux, associée а un ralentissement des mouvements, une paralysie et des tremblements. La coccinelle se retrouve ainsi contrainte а rester au-dessus de la larve qui, entre-temps, s’est extraite de l’abdomen et s’est construit un cocon entre les pattes de son « garde du corps ».
Doc 3 : Cycle de Dinocampus coccinellae
C’est un cas très rare de manipulation de comportement réversible puisque les séquelles laissées par la larve et le virus peuvent être surmontées par la coccinelle.
2- Cycles évolutifs indirects
Le parasite passe par plusieurs hôtes différents (ou différentes espèces) en fonction de ses stades de développement.
Les hôtes sont dits
- définitifs lorsqu’ils hébergent le stade sexué du parasite
- intermédiaires lorsqu’ils hébergent un stade larvaire du parasite
- La douve de chine
C’est un ver de petite taille, parasite de mammifères consommant des poissons d’eau douce. Chez l’homme, il est à l’origine d’une maladie : la distomatose hépatique et touche plus de 30 millions de personnes. La contamination de l’Homme se fait par ingestion de poisson cru ou mal cuit.
Les jeunes douves gagnent les voies biliaires à contre-courant pour se localiser définitivement dans les canaux hépatiques.
Un mois après la contamination, les douves devenues adultes pondent. Un individu peut héberger jusqu’à 25 000 douves de Chine dans son foie. Leurs œufs sont éliminés par la bile puis les selles.
L’œuf éclot en eau douce pour libérer un embryon cilié, qui infeste un escargot (le Bithynia) en pénétrant ses chairs. Puis le parasite passe par différents stades larvaires pour aboutir à larves nageuses qui est libérée dans l’eau.
Les larves nageuses vont trouver leur deuxième hôte intermédiaire qui est un poisson de la famille des carpes. Elles se logent sous les écailles ou dans les muscles pour s’enkyster puis seront ingérées par un mammifère.
Doc 4 : Cycle de la douve de Chine
- Le Ténia du boeuf
C’est un ver plat parasite des bovins (hôtes intermédiaires) et de l’être humain (hôte définitif). Il est appelé tænia saginata ou encore ver solitaire.
La contamination de l’homme se fait par l’ingestion de viande de bœuf insuffisamment cuite. La maladie provoquée par ce ver est, de loin, la plus fréquente des vers solitaires en Europe. Il s’agit d’une maladie bénigne à la différence du ver solitaire attrapé par la viande de porc, et qui est une autre espèce de tænia.
Blanchâtre, le ver adulte se présente comme un long ruban de 4 à 10 m de long, comprenant une tête, un cou et des segments. Il est harmaphrodite, et ses premiers anneaux mûrs sont d’abord mâles pour devenir ensuite femelles. Les derniers segments sont des anneaux gravides, plus longs que larges,(2cm sur 5 mm). Ils sont bourrés d’œufs et chaque segment se détache dans les selles. La longévité de l’adulte peut aller jusqu’à 35 ans.
Doc 5 : Cycle du Ténia du boeuf
B- Symbioses
Définition :
Symbiose : Association biologique, durable et réciproquement profitable, entre deux organismes vivants
Nous avons vus dans un chapitre précédent le cas des endosymbioses qui sont transmises entre générations ou une interaction étroite s’établit entre les 2 partenaires jusqu’à modifier le génome des partenaires. Mais, Il existe des associations symbiotiques non héréditaires, sans nécessairement modification de génome, comme nous l’avons également étudié précédemment avec le ver de Roscoff et son algue Tetraselmis convolutae.
Voyons quelques autres cas :
1- Le microbiote intestinal (vu en 2nde)
L’acquisition du microbiote intestinal se fait à la naissance, lorsque les membranes fœtales se rompent. Les bactéries vont alors coloniser rapidement et de façon importante le tube digestif du nourrisson. Ceci s’explique par l’immaturité du système immunitaire du nouveau-né qui rend le tube digestif permissif à l’implantation des bactéries.
La diversité et la composition du microbiote intestinal est influencée par de nombreux facteurs, dont le mode d’accouchement, l’âge gestationnel, le microbiome maternel, le type d’alimentation dans la petite enfance, le mode de vie, l’alimentation, la prise de médicaments… Ceci explique l’idée que chaque individu possède un microbiote intestinal différent.
La composition du microbiote intestinal va progressivement se complexifier avec l’âge. C’est seulement à l’âge de 2-3 ans que la maturité du microbiote intestinal est atteinte.
Relativement stable au cours du temps, sa composition peut évoluer transitoirement au cours de la vie en fonction de l’alimentation, l’environnement, l’état de santé ou encore le stress. Il tend néanmoins à revenir à son état initial en 1 à 2 mois.
Doc 6 : Action du microbiote
Aujourd’hui, on pense d’ailleurs que cette association symbiotique est valable pour toutes les espèces pluricellulaires, même si il est différent d’une espèce à une autre (et même d’un individu à un autre). D’ailleurs il aurait permis à toutes ces espèces de s’être développées à des tailles supra millimétriques.
2- être paresseux, c’est être en symbiose avec la nature !
Les paresseux à gorge brune, comme ceux vivant au Costa Rica, sont de véritables écosystèmes ambulants : dans leur fourrure, ils hébergent des algues, des papillons… et des champignons (Rien qu’en surface, leur toison abrite pas moins de 84 souches parentes entre elles).
Le paresseux est donc d’abord une véritable champignonnière dont les propriétés antibactériennes protège cet animal placide des attaques bactériennes. L’un de ces champignons a même développé un mécanisme apparemment différent de celui des classes d’antibiotiques connues et est étudié pour être utilisé en médecine. Certains exercent aussi une action antiparasitaire contre les vecteurs du paludisme et de la maladie de Chagas.
Ils sont également habités dans leur fourrure par des mites (papillons) qui , en mourant, se décomposent dans le poil, fournissant des nutriments non organiques aux algues. Ces dernières apportent aux paresseux les lipides que ne lui sont pas fourni par sa nourriture de base. Les algues constitue la couleur verte de son pelage et sont donc vitales. Cette relation complexe n’existerait pas non plus sans les champignons qui colonisent la fourrure du paresseux ; ce sont eux qui assureraient aussi la décomposition des mites ! Enfin les mites ne pourraient pas parachever leur cycle, si les paresseux ne descendaient pas des arbres en s’exposant aux prédateurs pour déféquer à leur pied. En effet, les mites pondent leurs oeufs dans ces excréments. C’est ce qu’on appelle une symbiose multiple et complexe.
Doc 7 : Symbiose du paresseux à gorge brune
II- Diversification par recrutement de composants inertes de l’environnement
Certains organismes utilisent des éléments inertes du milieu pour réaliser des protections, des abris ou des parures. Ces comportements s’expliquent par la sélection naturelle ou la sélection sexuelle : ils peuvent en effet apporter une meilleure protection contre les prédateurs ou une meilleure attractivité sexuelle. Cette utilisation d’éléments du milieu module le phénotype des animaux et participe ainsi à la diversification du vivant : on parle de phénotype étendu.
A- Diversité de nids
1- Pour protéger la progéniture
Les nids sont des structures construites par les oiseaux pour fournir un premier abri à leur progéniture. Les nids sont généralement fabriqués à partir de matériaux organiques tels que brindilles, herbes, mousses ou feuilles, parfois garnis de leurs propres plumes.
Les nids sont variés et montrent des apprentissages spécifiques au niveau des espèces dans la construction des nids.
Doc 8 : Des nids pour abriter la progéniture
2- Pour parader
Chez quelques oiseaux comme chez les jardiniers, le nid sera un attribut de parade. Le mâle se sert de ce nid qu’il aménage de plein d’ornement pour attirer la femelle. Un vrai architecte d’intérieur qui n’hésite pas à utiliser tous les éléments qu’il rencontre, y compris des matériaux laissés par l’Homme.
Doc 8 : Des nids pour parader
2- Pour protéger l’ensemble des individus
Chez les insectes sociaux, l’ensemble de la colonie doit être protégée, et surtout la reine et les oeufs. Les ouvrières bâtissent donc des structures adaptées pour protéger l’ensemble de la colonie.
Doc 9 : Des abris pour la colonie
Chez les mammifères, les castors construisent des barrages. Cela lui permet de conserver de l’eau en été et de protéger son gîte contre les prédateurs (coyotes, loups, ours, cougars, gloutons, lynx, loutres), et aussi de garantir un accès facile aux provisions de branches stockées sous l’eau comme réserve hivernale de nourriture. Les petits barrages sont étroits et souvent en grande partie faits de terre, alors que les grands barrages sont solidement construits avec une large base, des morceaux de bois plus solides et un sommet habituellement incliné vers l’amont pour résister à la force du courant. Les castors y travaillent surtout de nuit, portant boue et pierres et pouvant tracter de gros morceaux de bois en s’aidant de leurs dents.
Doc 10 : Barrage de castors
Chez les mammifères, les castors construisent des barrages. Cela lui permet de conserver de l’eau en été et de protéger son gîte contre les prédateurs (coyotes, loups, ours, cougars, gloutons, lynx, loutres), et aussi de garantir un accès facile aux provisions de branches stockées sous l’eau comme réserve hivernale de nourriture. Les petits barrages sont étroits et souvent en grande partie faits de terre, alors que les grands barrages sont solidement construits avec une large base, des morceaux de bois plus solides et un sommet habituellement incliné vers l’amont pour résister à la force du courant. Les castors y travaillent surtout de nuit, portant boue et pierres et pouvant tracter de gros morceaux de bois en s’aidant de leurs dents.
B- Des armures pour se protéger
Les phryganes sont des petits insectes dont la larve aquatique présente la particularité de construire un fourreau, tube la protégeant des prédateurs.
Les nombreux types de fourreau sont une adaptation au milieu dans lequel elles vivent.
La soie du tube est sécrétée par des glandes salivaires ; cette sécrétion durcit au contact de l’eau et la larve la tisse au moyen de ses pattes et de ses pièces buccales. La jeune larve construit son fourreau à l’aide de cette soie et de la gelée qui entourait les oeufs. Plus tard, elle rajoute les matériaux propres à son espèce : végétaux légers pour les larves des eaux stagnantes ou lentes (petites feuilles vertes ou fanées, morceaux de bois, roseaux), matériaux plus lourds pour celles des eaux courantes à rapides (débris de coquilles de mollusques, grain de sable, petits cailloux).
Les chenilles de Psychidae sont aussi capables de construire un fourreau en s’entourant de soie. Ce fourreau sera accroché à un élément dur le temps des mues et de la métamorphose en papillon. Le fourreau est adapté à la taille taille au fur et à mesure que la chenille grandit.
Doc 11 : Fourreau de Phrygane (aquatique) et de Psychidae (terrestre)
III- L’apprentissage à l’origine de diversification de comportements
Chez de nombreuses espèces, de nouveaux comportements peuvent se transmettre par voie non génétique, de génération en génération. L’apprentissage par imitation est ainsi à l’origine d’une diversification du vivant sans modification du génome.
Contrairement aux comportements innés, les comportements acquis sont le produit des expériences et des apprentissages individuels. Deux populations d’une même espèce peuvent donc présenter une culture différente qui pourra être à l’origine d’une séparation des 2 groupes. Ainsi ces innovations peuvent se propager dans une population par imitation et constituent une source de diversification du vivant. Ces nouveaux traits sont transmis entre contemporains et de génération en génération, et subissent une évolution : ils peuvent être perdus ou ils peuvent être maintenus selon les besoins (sélection naturelle). La transmission culturelle est donc aussi un moteur évolutif important.
A- Comportements acquis verticalement
Les individus adultes peuvent transmettre un comportement acquis aux individus plus jeunes. Cette transmission verticale est alors un apprentissage. Cette transmission s’observe chez les animaux ayant une vie sociale.
C’est par exemple le cas du chant des oiseaux. Si la capacité d’émettre des sons est présente dès la naissance, l’apprentissage du chant typique ou de la langue de la population s’effectue le plus souvent dès le plus jeune âge par imitation des adultes.
Par exemple, chez le bruant à couronne blanche, chaque population produit des chants différents en fonction de leur localisation. Ainsi, au sein de cette espèce, le chant est une source de diversité et correspond à des populations spécifiques.
Doc. 12 : Etude du chant de populations proches les unes des autres du bruant à couronne blanche.
L’orque est une espèce qui transmet son savoir aux générations suivantes par apprentissage. De fait, les différentes populations n’ont pas les mêmes techniques ce qui participe à leur différenciation. Par exemple, on a observé des orques femelles enseigner l’échouage volontaire à des groupes de jeunes orques. Cet apprentissage peut durer 20 ans. Les orques de Norvège chassant le hareng utilisent une autre technique, celle dite du « carrousel » : pour rassembler les harengs en une masse compacte près de la surface, ils nagent en contournant le banc de harengs, présentant leur abdomen blanc aux poissons, et tapent avec leur nageoire caudale sur cette masse pour les assommer…
B- Comportements acquis horizontalement
Certains individus acquièrent des comportements en observant d’autres espèces. On parle alors de transmission horizontale.
Par exemple, les singes se baignant dans les onsen (bains chauds japonais) ont commencé à s’y baigner après avoir observé les humains le faire dans les années 60. Ensuite d’autres comportements observés chez les macaques japonais comme les singes de Kojima qui lavent les patates douces dans l’eau de mer et séparent les grains de blé du sable en les plongeant dans un peu d’eau. Des comportements qui se sont peu à peu transmis de singe en singe, avec quelques variations selon les individus.
Doc. 13 : les techniques des macaques japonais apprises de l’Homme
Chez les chimpanzés africains, plusieurs rituels existent aussi selon les populations. On peut s’interroger sur une transmission par imitation de l’Homme.
Définition :
Culture : ensemble de comportements et de connaissances transmis socialement entre les individus d’une population puis de génération en génération. La culture ne concerne donc pas que les sociétés humaines mais beaucoup d’autres espèces sociales.
Doc. 14 : cinq critères permettant d’affirmer qu’un trait est transmis culturellement
L’évolution culturelle est la transformation dans le temps de la culture d’une population. De nombreux points communs peuvent être établis entre les mécanismes de l’évolution biologique et ceux de l’évolution culturelle :
- innovations génétiques (mutations) ou innovations culturelles (inventions)
- sélection naturelle ou sélection culturelle des innovations avantageuses
- transmissions verticale par hérédité génétique ou apprentissage
- transmission horizontale par transfert de gènes ou par imitation
- dérive génétique ou perte culturelle
- rôle des migrations ou des barrières géographiques dans la transmission
C- La notion de phénotype et de phénotype étendu
En 1982, le biologiste Richard Dawkins expose le concept de phénotype étendu. Le phénotype ne doit pas être limité au résultat de l’expression des gènes par les processus biologiques tels que la synthèse des protéines, ou la croissance des tissus, mais bien étendu à toutes les manifestations qui en découlent, y compris celles qui passent par l’activité du système nerveux central et plus généralement par le comportement de l’animal dans son environnement.
Ainsi, par exemple les constructions, les comportements et les modifications du comportement induit par un parasite ou la modification d’un métabolisme grâce à une symbiose font partie de ce phénotype étendu.
Doc. 15 : Phénotype étendu
Conclusion :
La diversification phénotypique des êtres vivants n’est pas uniquement due à la diversification génétique. D’autres mécanismes interviennent :
– associations non héréditaires (pathogènes ou symbiotes ; cas du microbiote acquis) ;
– recrutement de composants inertes du milieu qui modulent le phénotype (constructions, parures…).
Chez certains animaux, les comportements acquis peuvent être transmis d’une génération à l’autre, voire d’une espèce à une autre et constituer une source de diversité dissociant aussi les populations.
La diversification des êtres vivants n’est donc pas toujours liée à une diversification génétique ou à une transmission d’ADN.