Introduction : Dans la plus part des religions ou des mythologies, la naissance de la Terre occupe une place centrale. Par exemple, dans la mythologie grecque, Gaia est la Terre et enfante le monde avec Ouranos. Dans la mythologie nordique, Le géant Ymir a été mis à mort par les dieux créateurs et c’est grâce à son corps naît la Terre, son sang la mer et sa tête le ciel. Dans l’Hindouisme, c’est une partie de Purusha qui donne naissance à la Terre. Dans la religion chrétienne, la genèse explique la formation du monde par un seul Dieu en peu de temps. Ce dogme a perduré un certain temps…
Problème : Comment l’approche du calcul de l’âge de la Terre a-t-elle évoluée au fur et à mesure des découvertes ? Quels ont été réalisés les calculs pour aboutir à l’âge de la Terre ?
Objectifs :
- Interpréter des documents historiques en lien avec l’âge de la Terre
- Identifier les théories et controverses liées à l’âge de la Terre
- Connaître et appliquer les méthodes de calcul ou de datation de la Terre
I-Du Dogme chrétien aux premières démarches expérimentales.
1- D’après le document 1, en quoi la tentative de datation par James Ussher utilise une méthode erronée ?
Doc. 1 : Le calcul de l’irlandais James Ussher
L’archevêque irlandais James Ussher (1581-1656) fournit le calcul le plus célèbre parmi les centaines de propositions qui fleurissent au cours des XVIe siècle et XVIIe siècle. Sa Chronologie est, comme toutes les autres, issue d’une lecture littérale de l’Ancien Testament. Ussher utilise les données chronologiques de la Genèse (livre relatant l’histoire des premiers habitants de la Terre dans la Bible, le Coran et la Torah), qui donne une lignée mâle ininterrompue depuis la Création jusqu’à Abraham (environ 2000 ans). Il utilise également l’histoire des rois des royaumes de Juda et d’Israël, et des royaumes voisins, en recoupant différentes sources (extérieures à la Bible). Il parvient à donner une date étonnamment précise du premier jour de la Création : 23 octobre de l’an 4004 av. J.-C. C’est un calcul élaboré, qui croise des sources historiques fiables et des sources qui sans prétention historique, mais il servira de référence et ne sera définitivement abandonné qu’au début du XXe siècle.
D’après : le livre scolaire, 1ère enseignement scientifique.
Définition : Dogme : Point de doctrine établi ou regardé comme une vérité fondamentale, incontestable (dans une religion, une école philosophique).
2- En quoi le résultat de Ussher relève du dogme ?
Doc. 2 : Calcul à partir de sphères incandescentes
a) expériences de du comte de Buffon
Vers 1755, Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, expérimente sur la durée de refroidissement de sphères métalliques de différents diamètres. Son hypothèse est que notre planète est initialement une sphère chauffée au rouge (ce qui définit le temps de la naissance de la Terre) et qu’elle se refroidit pour atteindre sa température actuelle. Buffon avait compris que l’augmentation de température observée dans les mines témoignait de l’existence d’une chaleur résiduelle. Ce temps de refroidissement permet alors d’estimer l’âge de la Terre. Ces mesures à partir des sphères métalliques lui permirent d’extrapoler au diamètre de la Terre. Il renouvela ses expériences avec différents matériaux et ce pendant 6ans.
b) Extraits de ses expériences
« …J’ai cherché à saisir deux instants dans le refroidissement, le premier où les boulets cessaient de brûler, c’est-à-dire le moment où on pouvait les toucher et les tenir avec la main, pendant une seconde, sans se brûler ; le second temps de ce refroidissement était celui où les boulets se sont trouvés refroidis jusqu’au point de la température actuelle, c’est-à-dire, à 10 degrés au-dessus de la congélation. Et pour connaître le moment de ce refroidissement jusqu’à la température actuelle, on s’est servi d’autres boulets de comparaison de même matière et de mêmes diamètres qui n’avaient pas été chauffés… »
c) Résultats
Diamètre du boulet (en pouces) | Temps de refroidissement (en min) |
1 | 39 |
2 | 93 |
3 | 145 |
4 | 196 |
5 | 248 |
6 | 308 |
7 | 356 |
8 | 415 |
9 | 466 |
10 | 522 |
D’après http://acces.ens-lyon.fr
Données supplémentaires :
Diamètre de la Terre : 12 742 KM
Conversion : 1 pouce = 2,54 cm
PROTOCOLE :
=> A l’aide de libreoffice et du fichierbuffon-resultats.ods tracer le graphe du temps de refroidissement en fonction du diamètre des boulets en pouces
=> Afficher la courbe de tendance linéaire
=> Afficher l’équation de la courbe de tendance
3- A partir de l’équation de la courbe de tendance et des données supplémentaires, retrouvez l’âge de la Terre calculé par Buffon.
4- En quoi, bien que de considérer le refroidissement comme linéaire soit une erreur, la recherche de Buffon est une démarche expérimentale ?
II- Les temps s’allongent au 19e siècle et les débats vont bon train
A- La démarche de Buffon reprise par Kelvin
Doc. 3 : Les travaux de Kelvin (1824-1907)
Kelvin part du même modèle que Buffon : ce qu’il appelle « début de la Terre » (conditions initiales) est une boule à la température uniforme de la roche en fusion, évaluée à 3 900 °C. Très rapidement la température de sa surface, en contact avec le vide extérieur (ce qu’on appelle les conditions aux limites), se stabilise à un niveau raisonnable, de l’ordre de 20 °C. On le sait parce que la vie s’est développée depuis fort longtemps et exige une température stable de ce niveau. Au centre de la Terre par contre, la température, par inertie thermique, conserve grossomodo sa valeur initiale. Donc, entre la surface de la Terre et son intérieur, il y aura un continuum de température qui va de 20 °C à 3 900 °C. Grâce à un modèle mathématique utilisant l’équation de Fourrier il va déterminer que le gradient de température est tel que la température limite de T0 = 3 900 °C est pratiquement atteinte en moins de 200 kilomètres. La zone où la température varie sensiblement serait donc, dans ce modèle, petite par rapport au rayon de la Terre, si bien qu’on peut se ramener à un calcul à une dimension. Dans son article, il a pris un gradient de 0,36 °C par 100 mètres (1° F par 50 pieds)1, une température initiale de 3 900 °C, un k = 1,2.10−6m2s−1, ce qui donne, compte tenu des incertitudes, la fourchette 20< t <400 millions d’années.
D’après http://www.cnrs.fr
Remarque : On constate aujourd’hui que lorsqu’on s’enfonce sous la Terre on gagne en moyenne de l’ordre de 30 °C par Km au niveau lithosphérique, ce qui correspond au gradient géothermique moyen. Mais ce dernier est variable en fonction du contexte géologique.
1- Que prend en compte la démarche de Kelvin que ne prenait pas celle de Buffon ?
2- Quelles sont les limites du modèle de Kelvin ?
B- Utilisation de la sédimentologie
Doc. 4 : Évolution de l’estimation de l’âge minimal de la Terre par mesure de l’épaisseur des dépôts de sédiments
À partir de la fin du XVIIe siècle, l’étude des dépôts sédimentaires, appelée stratigraphie, prend son essor. L’âge de la Terre va être estimé par mesure de l’épaisseur des strates de sédiments, en utilisant la proportionnalité : s’il faut 100 ans pour qu’un millimètre de sédiments se dépose, alors il faut 100 000 ans pour former une couche d’un mètre. Cette méthode est discutable, car l’intensité de sédimentation varie en fonction de plein de paramètres (dont par exemple le taux de CO2, la profondeur océanique, la température.). Dans ce contexte, les datations vont varier énormément, ce qui oppose les partisans d’un temps court (les catastrophistes) et les partisans d’un temps long (les uniformistes).
Date | Scientifiques | épaisseur estimée totale des sédiments (km) | Taux de sédimentation estimé (mm·an-1) | Durée totale de sédimentation (Ma) |
1860 | Philips | 22 | 0,229 | 96 |
1890 | De Lapparent | 46 | 0,33 | 90 |
1892 | Geikie | 30 | 0,45 à 0,044 | 73 à 680 |
1893 | McGee | 80 | 0,05 | |
1900 | Sollas (Trinity college) | 81 | 3,1 | 26 |
1909 | Sollas (Trinity college) | 102 | 1,28 | 80 |
Modifié d’après : le livre scolaire, 1ère enseignement scientifique.
1- A partir du document 4, calculez la durée totale de sédimentation correspondante à Mc GEE.
2- Pourquoi cette méthode n’est également pas fiable ?
3- D’après le document 5, qu’est ce qui permet à Darwin d’estimer un âge beaucoup plus grand que celui estimé par Kelvin ?
Doc. 5 : Polémique entre Lord Kelvin et Charles Darwin
Alors que les temps « relativement » courts des physiciens vont être finalement acceptés par la communauté scientifique dans la seconde moitié du 19e siècle, Charles Darwin (1809-1882) n’y croyait pas. Des couches géologiques dont tout le monde s’accorde à dire que leur sédimentation a réclamé à coup sûr plusieurs dizaines de millions d’années ne contiennent en général pas de variations significatives dans l’évolution des fossiles qu’elles ont emprisonnés. Or ces variations significatives doivent – suivant la théorie de l’évolution des espèces de Darwin – avoir eu lieu. La seule conclusion est alors d’affirmer que cette échelle de plusieurs dizaines de millions d’années est infime devant les temps nécessaires pour rendre compte de l’évolution réelle de la faune et de la flore. Darwin ne donnait pas de chiffres, mais pensait plutôt en milliards d’années. Pour ne pas nier l’universalité des lois de la physique, ce que Kelvin pouvait lui reprocher, il suggéra, sans grande conviction, que le Soleil pourrait transférer de l’énergie magnétique qui chaufferait la Terre.
Cet antagonisme entre Darwin et Kelvin fut abondamment utilisé par tous les adversaires de Darwin. Ce n’était pas tant les datations de Darwin qu’il s’agissait de ruiner (celles de Kelvin, bien que plus courtes, n’étaient pas non plus compatibles avec une lecture littérale de la Bible) que sa théorie de l’évolution considérée comme une abomination absolue : elle faisait, disait-on à l’époque, descendre l’homme du singe !
D’après http://www.cnrs.fr
C- Utilisation de la salinité
Doc. 6 : Les déductions de Halley et les travaux de Joly sur la salinité
Edmund Halley (l’homme de la comète, 1656-1742) explique que la salinité de la mer a été apportée par l’eau douce des rivières. Ce n’est pas un paradoxe. L’eau réputée douce des rivières contient en réalité quelques sels provenant des roches qu’elle érode. Elle fournit continûment ces sels à l’océan qui, en permanence, évapore de l’eau douce ; le bilan est donc simple : l’eau de l’océan se charge petit à petit en sels des rivières. À l’appui de cette thèse, les lacs qui ont un déversoir ne sont pas salés, mais le deviennent dès qu’ils sont isolés. Ainsi, en estimant la quantité de sels des océans et le débit total des fleuves (en tonnes de sel par année), on peut déduire le temps nécessaire à leur apport. Halley n’a pas donné d’estimation, mais pensait que son modèle prouverait que la Terre était beaucoup plus vieille qu’on ne le croyait.
Plus d’un siècle plus tard, cette idée fut, indépendamment, exploitée par John Joly (1857- 1933) qui a étudié à Trinity College et y enseigna un moment. Il estima la masse de sodium contenu dans les océans à 1,506 × 1016 tonnes, le taux de déposition annuel par les rivières à 1,428 × 108 tonnes/année.
Remarque : Même si ce modèle d’apport de sodium par les seules rivières et sans perte est très simple, il est erroné : il y a des processus de perte de sels (vents, dépositions, consommation par le volcanisme sous-marin, autres sédimentations) d’où résulte que la salinité des océans n’a, en fait, que peu varié depuis un ou deux milliards d’années. Mais cette estimation a joué un rôle au début du 20e siècle.
D’après http://www.cnrs.fr
1- Connaissant la concentration de sels dissous dans les rivières et fleuves (5,3 .10-3 g/L), quel serait son équivalent en Tonne/km3 ?
2- Calculer l’âge de la Terre, d’après la méthode de Joly.
3- Pourquoi ce modèle n’est pas fiable ?
Conclusion : Grâce aux nombreux exemples donnés dans ce TP-TD, que pouvez vous conclure quant à l’évolution des connaissances en Sciences sur l’âge de la Terre de 1600 à 1900 ?