Chapitre 1 : LA CARACTERISATION DU DOMAINE CONTINENTAL : Lithosphère continentale, reliefs et épaisseur crustale – COURS

Introduction :

En première, vous avez pu caractériser le domaine océanique, sa formation et sa dynamique.Les points suivants ont été abordés :

  • La morphologie, la présence de séismes et les failles normales qui structurent les dorsales océaniques attestent de mouvements de divergence.
  • En s’éloignant de la dorsale, la lithosphère océanique se refroidit, s’hydrate et s’épaissit.
  • Les marges passives des continents sont structurées par des failles normales et sont le siège d’une sédimentation importante. Elles ont enregistré l’histoire précoce de la rupture continentale et de l’océanisation. L’activité des failles normales, héritage de rifts continentaux, témoigne de l’amincissement de la lithosphère et de sa subsidence.

Mais qu’en est-il du domaine continental ? Comment se caractérise-t-il ?

Problème : Comment  mesurer et expliquer l’épaisseur de la croûte continentale ?

    • Comment peut-on la dater et quel est son âge ?
    • Quels sont les argument géologiques qui nous permettent de caractériser le domaine continental ?

       

I- De l’épaisseur de la croûte à la notion de lithosphère

A- Evaluation de l’épaisseur de la croûte

1- Fluctuation du relief

Pour l’altitude, le niveau moyen des océans sert de référence ( c’est le 0). Il est possible, grâce à des mesures par satellite entre autre, de réaliser un profil d’élévation du relief continental, que l’on peut comparer à la bathymétrie océanique. Les variations d’altitude sont alors les suivantes :

2-Comment délimiter la croûte

La croûte est limitée en profondeur par une discontinuité majeure appelée discontinuité de Mohorovicic ou plus simplement Moho. Cette discontinuité a été mise en évidence par les études de vitesse effectuées sur les ondes réfléchies et les ondes réfractées par l’inventeur du même nom en 1909. En effet, comme les ondes sismiques P et S semblent se propager à vitesse constante dans la croûte jusqu’au Moho, il est alors possible, connaissant la vitesse des ondes P, de calculer la profondeur du Moho. Cela n’est possible qu’à partir de sismogrammes et seulement si on connait l’arrivée des ondes réfléchies à la station d’enregistrement (PMP). 

3- Fluctuation de l’épaisseur de la croûte

En profondeur, si le Moho varie entre 5 et 7 Km au niveau des océans, la moyenne continentale est autour de 30 Km. Mais, en région montagneuse comme par exemple dans les alpes, ce Moho s’abaisse jusqu’à 50 Km et même cela peut aller jusqu’à 75 Km dans la chaîne himalayenne.


Conclusion :  plus le relief est important en altitude et plus il existe une racine crustale importante compensant cette altitude.


B- La notion de lithosphère / croûte.

La lithosphère est une couche ‘rigide’, ‘reposant sur une couche plus molle dite ductile (capable de se déformer), et de ce fait moins visqueuse, l’asthénosphère. Une lithosphère ‘standard’ comprend une croûte et une partie du manteau supérieur; le manteau lithosphérique. La LVZ permet de distinguer Lithosphère et Asthénosphère. La limite entre lithosphère et asthénosphère correspond à l’isotherme 1300°C.

Quand on s’intéresse à la composition chimique des roches, on parlera plus de croûte et manteau, puisque c’est à ce niveau que les compositions vont varier.

Si la racine crustale varie en fonction du relief, en revanche la surface de compensation se  situe dans le manteau et par conséquent, la limite lithosphérique varie peu.

II- Caractéristiques de la croûte continentale

A- Nature des roches.

Quand on étudie des affleurements au niveau de la croûte continentale, on se rend compte qu’il existe une grande variété de roches (Roches sédimentaires, volcaniques, plutoniques, métamorphiques). Cependant parmi cette grande variété les roches sédimentaires et volcaniques ne représentent qu’un très faible plaquage sur l’épaisseur moyenne de 30 Km d’épaisseur de croûte continentale. Ainsi, la majeure partie des roches est représentée surtout par des roches de la famille du granite (granite, gneiss,…), c’est à dire de roches magmatiques plutoniques ou métamorphiques

 Le granite est une roche à texture grenue (tous les minéraux sont cristallisés) composée de quartz, feldspaths (plagioclases ou orthose), et d’un peu de micas (Biotite -noirs- et/ou muscovite – blancs-)

granite !

En comparaison, les roches océaniques sont composées essentiellement de beaucoup de pyroxènes et de plagioclases, et quelques rares olivines.

Enfin le manteau est principalement formé de péridotites (olivine + Pyroxène).

B- Densité

C- Etude gravimétrique et notion d’isostasie.

La gravimétrie est la mesure et l’étude de la pesanteur à la surface de la Terre. La valeur « moyenne » de la pesanteur à la surface de la Terre vers 45° de latitude est g = 9,81 m.s-2= 981 Gal.

Le terme « isostasie » (du grec isos, égal, et stasis, arrêt) traduit l’état d’équilibre des roches de la croûte terrestre par rapport au manteau sous-jacent. Ce phénomène implique que, au-dessus d’une certaine profondeur, appelée niveau de compensation, la masse des roches crustales superficielles est partout la même quelle que soit l’altitude des reliefs. En dessous du niveau de compensation, il n’y a pas de variations significatives de densité.


Calcul :

Principe d’Archimède : à la hauteur h, les 2 colonnes doivent avoir la même masse :

soit M colonne CO = M colonne CC Exercice réalisé en AP

<=> deauEeau + dCOECO + dMEM = dCCh

<=> deauEeau + dCOECO + dM(h – A – Eeau – ECO) = dCCh

<=> deauEeau + dCOECO + dMh – dMA – dMEeau – dMECO = dCCh

<=> deauEeau + dCOECO – dMA – dMEeau – dMECO = dCCh – dMh

<=> dMA + dMEeau + dMECO – deauEeau – dCOECO = dMh – dCCh

<=> h = (dMA + dMEeau + dMECO – deauEeau – dCOECO)/(dM – dCC)

Sous le Mont Blanc, on doit trouver h = 54438 m, soit une racine crustale de :

r = h – A = 49638 m


Comparaison avec un profil sismique ECORS

Différents programmes européens étudient la structure de la lithosphère au niveau des Alpes :

• le programme français ECORS (Etude de la Croûte continentale et Océanique par Réflexion Sismique)
• le programme suisse NRP20
• le programme italien CROP.

Le calcul est compatible avec l’enregistrement ECORS -CROP

modélisation : 
1) Sismique réflexion

2) Interprétation et superposition des zones

 d'après http://www.lithotheque.ac-aix-marseille.fr
Une interprétation récente du CNRS de Grenoble montre une interprétation de tomographie. On voit que l'interprétation est légèrement modifiée par rapport à la précédente.

 
D'après http://www.insu.cnrs.fr

Le calcul est compatible avec l’enregistrement ECORS -CROP. Dans le dernier modèle, ce qui est intéressant est de voir que la lithosphère européenne part plus profondément. Il est aussi intéressant d’avoir la relation avec le relief (relief superposé à la tomographie). Attention à l’interprétation, le site du CNRS indique : Les zones en rouge correspondent aux discontinuités où la vitesse sismique augmente avec la profondeur. Les zones en bleu correspondent à celles où la vitesse décroit vers le bas. Le trait noir continu est le Moho européen. La courbe en pointillés marque le contact entre le manteau adriatique (corps d’Ivrée) situé en position haute et les roches métamorphiques de la croûte européenne en profondeur. (Bas) Coupe interprétative d’échelle lithosphérique. FPT : Chevauchement Pennique frontal ; Br : Zone Briançonnaise ; SL : Schistes lustrés ; DM : Dora Maira.

 Sur la tomographie sismique, en ce qui concerne la géothermie, les couleurs généralement utilisées sont inversée.

Conclusion : A quelques exceptions près, la racine crustale est d’autant plus importante que le relief est prononcé comme nous avons pu l’observer lors des études sismiques. De façon générale, on se rend compte que le modèle de Pratt ne fonctionne pas, sauf si on compare la croûte océanique et la croûte continentale, et encore ce n’est pas gagné partout !  En revanche, le modèle de Airy s’applique très bien quand on observe les variations de la croûte continentale.

Modélisations à savoir dessiner : 
 

III- Modifications crustales au cours du temps

A- Age de la croûte

Alors que la croûte océanique est recyclée en permanence (la CO ne dépasse pas 200 Ma), la croûte continentale à pu être datée jusqu’à 4 Ga, et peut être relativement âgée comparativement aux 4,5 Ga de l’âge de la Terre.

La datation d’échantillons s’effectue grâce à des méthodes de radiochronologie se basant sur les principes de la désintégration radioactive d’isotopes contenus dans les roches ou même les minéraux. On dispose donc de véritables géochronomètres qui obéissent à une loi de décroissance exponentielle en fonction du temps. La demi-vie est caractéristique de l’élément radioactif. Le géochronomètre le plus étudié en Ts est le couple Rb/Sr (rubidium/strontium), mais d’autres couples peuvent avoir les mêmes propriétés que le Rb/Sr et peuvent être proposés lors de l’examen. La datation absolue par le couple Rb/Sr est donc à retenir.

Le rubidium et le strontium sont des éléments à l’état de traces dans la nature 

Dans les minéraux, les substitutions avec d’autres atomes sont peuvent se réaliser comme suit : 

Rb—>K

Sr—>Ca

Il existe 2 isotopes pour le Rb : 85 Rb et 87 Rb et 4 isotopes pour le Sr : 84 Sr, 86 Sr, 87 Sr et 88 Sr

Considérons une chambre magmatique comme étant un système clos, c’est à cette condition seulement que nous pouvons utiliser le couple Rb/Sr comme géochronomètres.
Que se passe-t-il au cours du temps, de la formation des minéraux t0 jusqu’au temps d’étude de la roche ?
 Cette désintégration suit une loi mathématique du type : P(t) = P0 e λt

T = demi vie (temps où il ne reste plus que la moitié de l’isotope de départ)

λ = constante de désintégration

Or  P0/2 = P0 e λT

<=> 1/2 = e λT

<=> ln1/2 = –λT

<=> ln1- ln2 = –λT

<=> λ= ln2/T

Pour le couple 87 Rb/87 Sr : T = 48,8 . 109 ans => λ=1,415.10-11 an-1

 Revenons à la formation de notre roche, au temps t=0
Attention on peut soit considérer des minéraux différents d’une même roche, ou différents échantillons d’un même ensemble rocheux.
  • Si on part d’une roche constituée de 3 minéraux différents capable de posséder du Rb et du Sr, au temps t=0, le magma a été formé puis a commencé à cristalliser : tous les minéraux avaient alors le même rapport isotopique (87Sr/86Sr) mais chacun d’eux a un rapport 87Rb/86Sr différent.  87Sr/86Sr est donc constant, la droite à t0 est horizontale : 

 

  • jusqu’au temps t, le 87Rb se désintègre en 87Sr. Donc la pente augmente et on obtient une droite dite isochrone dont la pente témoigne du temps écoulé depuis le stade initial.

L’équation de la droite isochrone est construite grâce à 87 Sr actuel = 87 Sr formé + 87 Sr initial, soit  : 

(87Sr/86Sr) = (eλt – 1)(87Rb/86Sr) + (87Sr/86Sr) initial

Analysons cette équation :

Donc le coefficient directeur de l’isochrone permet de calculer t, car a = eλt – 1, soit en isolant t :

 t = [ln (a + 1)] / λ

a = coefficient directeur de la droite

λ = constante de désintégration : 1,42.10-11 an-1

B- Epaississement crustal

L’épaisseur de la croûte continentale dans les zones de montagne résulte d’un épaississement lié à un raccourcissement et un empilement.

  1. Des contraintes tectoniques

Dans les montagnes, on peut observer de nombreux plis, failles inverses, chevauchements et nappes de charriage. Les terrains se raccourcissent et s’empilent les uns sur les autres ce qui aboutit inexorablement à un épaississement de la croûte continentale.

a) plis

b) failles inverses

d’après http://www.geologie.ens.fr

c) chevauchements et nappes de charriages

d’après http://lewebpedagogique.com
  1. Des transformations pétrologiques

On observe à l’affleurement dans les chaînes de montagnes, des roches ayant subi des transformations à l’état solide. Ce sont des roches métamorphiques. On peut constater :

1- des minéraux étirés/déformés/disposés en feuillets

Exemple de contraintes appliquées à un minéral

Exemple de contraintes appliquées à un ensemble de minéraux

2- des minéraux témoignant d’augmentation de température et de pression

En effet, les minéraux présents dans les roches se forment dans certaines conditions de pression et de température. Lors de changements des conditions thermobarométriques, ils peuvent se transformer en d’autres minéraux en restant à l’état solide et en gardant leur composition chimique globale, c’est donc bien du métamorphisme.

Rappel : affleurement = Partie d’un terrain visible ou d’une étendue géologique à la surface de la terre, qui n’est pas recouvert par un sol ou de la végétation.

Un exemple de métamorphisme traité dans http://planet-terre.ens-lyon.fr

Un exercice intéressant : ici

  1. De la fusion à haute pression et haute température

Dans certains cas, la roche peut partiellement fondre. Elle se réorganise partiellement faisant des alternances de lits blancs et noirs. On parle alors d’anatexie. Le magma ainsi formé peut cristalliser lentement et donner ces nouvelles roches caractéristiques (cette roche s’appelle la migmatite).

Dans les montagnes, la présence de roches métamorphiques issues de roches de la croûte continentale (avec des minéraux témoignant de hausses de pressions et/ou de températures) confirme que ces roches ont été enfouies. Cet enfouissement résulte du raccourcissement et de l’empilement d’écailles de croûte continentale.

Exemple de l’Himalaya d’après https://www.annabac.com/

Les reliefs de montagnes sont dus à des contraintes en convergence. Ces contraintes entraînent des déformations/modifications des terrains, des roches et de leurs minéraux. Les études tectoniques et pétrographiques permettent de reconstituer un scénario de l’histoire des chaînes de montagnes.

C- Diminution de l’épaisseur crustale

Les chaînes de montagnes anciennes ont des reliefs moins élevés que les chaînes de montagnes plus récentes. On y observe à l’affleurement une plus forte proportion de matériaux transformés (gneiss) et/ou formés en profondeur (granite et granodiorite). Les parties superficielles des reliefs tendent à disparaître.

L’érosion en surface conduit à une lente diminution de l’altitude des chaînes de montagnes, et donc à une diminution de la masse rocheuse. Cette dernière entraîne une remontée de croûte continentale profonde (« une sorte d’érosion à l’envers de la racine crustale »), ce qui tend à rétablir l’équilibre isostatique : on parle de rebond isostatique. On estime d’ailleurs que pour 100 mètres d’érosion, il y a une remontée de la chaîne de 80 mètres.

La théorie de l’isostasie permet d’expliquer la présence d’anciens rivages à plus d’une centaine de mètres d’altitude en Scandinavie. Après la fonte d’un épais glacier recouvrant la Scandinavie. la remontée des terrains, encore en cours, permet le retour à l’équilibre isostatique (il y a adjonction de matériau dense sous la lithosphère), c’est ainsi qu’on obtient des fjords fortement encaissés.

CONCLUSION : 

Il est très important de se re-situer par rapport aux objectifs du chapitre, car si vous avez vu différents paramètres géophysiques, pétrologiques, d’interprétation du paysage, d’affleurements (…), il n’en reste pas moins que tous ces critères constituent des caractéristiques de la croûte continentale, ce qui était le but du chapitre (vous pouvez vous référer au mémento qui récapitule toutes les caractéristiques à savoir)

Cette croûte peut s’épaissir ou s’éroder, rien n’est figé. Même si les mécanismes engendrés mettent du temps, à l’échelle de millions d’années les transformations sont impressionnantes. Toutefois, si la croûte océanique se forme au niveau des rifts grâce à une décompression adiabatique, comment peut se former la croûte continentale  ?

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